Une erreur que j’ai faîte est au niveau du métier de consultante : c’est de ne pas assez prendre en compte la question de la perception des équipes quand j’arrivais sur une nouvelle mission. Très souvent, on me demande de venir à la fin des projets, quand on se rend compte que le site ou que l’appli n’est plus accessible. En caricaturant un peu, avant j’arrivais avec mon audit et son lot de corrections, les équipes entendaient alors en gros « Vous avez mal fait votre boulot. ».
Au début, j’avais du mal à comprendre la résistance que cela créait : On faisait appel à moi. Donc si vous faites appel à moi, c’est que vous avez conscience qu’il y a des choses à améliorer. En réalité, c’était le N+1, le N+2, le juridique, le commercial ou autre qui faisait appel à moi, pas l’équipe.
Eux, on vient leur imposer quelqu’un d’externe, donc qu’ils ne connaissant pas, quelqu’un qui ne connaît pas leur projet et ses difficultés et sur un projet qu’ils pensent terminé.
Je suis alors “ la méchante inspectrice des travaux finis “.
Je déteste maintenant intervenir à la fin des projets, et pour le coup, si vraiment ça doit être le cas, il y a une manière de s’adresser aux gens. Vous n’allez pas leur dire « Vous avez fait un mauvais boulot. ». Ce n’est pas ça, plutôt : C’est que vous n’avez pas été sensibilisé, vous n’avez pas été formé, on va y travailler ensemble. Je fais le parallèle avec par exemple le GRPD, le respect des données : ça, il n’y a pas longtemps, très clairement, tout le secteur ne le prenait pas en compte. C’est la même chose. À un moment donné, il y a une manière de faire pour respecter le GRPD, et il y a une manière de faire en sorte que les personnes en situation de handicap notamment puissent naviguer sur le web. Tant qu’on n’y est pas confronté, tant qu’on ne dit pas qu’une personne non-voyante peut naviguer sur le web, on ne peut pas le prendre en compte. Rien que de passer par cette étape de leur faire comprendre à qui on s'adresse quand on fait d'accessibilité, ça permet d’engager une meilleure collaboration avec une équipe. Leur faire comprendre comment les personnes en situation de handicap vont naviguer avec le Web. Déjà, c'est beaucoup mieux perçu et du coup, ils voient tout de suite l'intérêt. Leur faire comprendre l’intérêt, je pense que c'est essentiel. Mais aussi apprendre, être formé. Dans la plupart des cursus (école, université), il n’y a pas ou très peu de cours sur les sujets du numérique responsable, de l’accessibilité et l’assurance qualité… et quand il y en a c’est très récent. Et enfin, tant qu’on peut, faire appel aux consultant·es de ces domaines, le plus tôt possible dans les projets, même avant les projets, pour avoir un vrai accompagnement. Pour éviter ça aujourd’hui, je fais de cette manière : Pour commencer, je demande que l’on me libère minimum 1 heure 30, voire idéalement 3 heures, avec l’équipe afin que l’on discute. On fait connaissance, je leur explique ce que je fais, pourquoi je suis là et on fait des ateliers, des mises en situation, ... J'identifie alors leur niveau de sensibilité et leurs connaissances aux sujets que j’emmène. Déjà, ils comprennent que je ne suis pas du tout là pour leur taper sur les doigts, ni dire qu’“Il y a tout ça qui ne va pas, tout ça à corriger.”. On apprend à se connaître, aussi, et mine de rien, par la suite quand ils me voient arriver avec mes demandes de corrections ça passe beaucoup mieux. Dans ces moments-là, très souvent, il y a beaucoup d’échanges d’expériences des participant·es : « Moi, j’ai tel problème, j’ai un petit cousin, un copain, mon oncle, ma tante, … qui a tel handicap, tel difficulté... ». Et en fait oui, on va bosser pour eux, pour toutes ces personnes qui se sentent parfois ou souvent exclues. Rien que ça, ça motive tout le monde, c’est une bonne raison pour travailler ensemble. J’aime sensibiliser, j’aime discuter avec les équipes. Ensuite, je passe aussi par des petites formations, métier par métier (UX, UI, Dev, rédacteurs, marketing, …), courtes ou plus longues (en général d’une demie-journée à 3 ou 4 jours), que l’on peut caler au début de mon intervention mais aussi en cours de production. Autant que possible, les durées et déroulés de ses formations se déterminent en fonction de mon analyse de projets qu’ils ont fait avant. C’est avec tout ça que je peux enfin accompagner plus sereinement les équipes et pour ça je me base là aussi sur l’analyse du projet : Ce qu’il y a de plus récurrent comme choses à améliorer Ce qui va être simple à améliorer Ce qui va le plus avoir d’impact Ce qu’il y a de plus compliqué à améliorer mais qui aura quand même le plus d’impact. Ça permet de leur dire que « OK, vous faites déjà plein de choses bien, je vous accompagne à améliorer ». En utilisant cette méthodologie, on se base sur les équipes et on leur permet de capitaliser : on va améliorer à l’instant T pour ce projet, mais ça leur permet ensuite de réutiliser ces pratiques sur les suivants. On est dans l’accompagnement et non pour leur dire « Il faut corriger tel truc à tel endroit »