Lorsqu'on mise tout sur les décisions « fondées sur les données », on oublie souvent que les chiffres, bien qu'objectifs, ne sont que le reflet d'une collecte de données qui est, elle, profondément subjective. Si l'on ne comprend pas cette nuance, on risque de mesurer sans intention réelle et de se laisser guider par des résultats accidentels plutôt que par une véritable stratégie. C'est ce qui est arrivé avec Nike, et son ancien CMO parle de l'échec du Data-driven chez eux. L'article original: https://www.linkedin.com/pulse/nike-epic-saga-value-destruction-massimo-giunco-llplf/?trackingId=iIofsYXeTtqPUl2yPVH4wA%3D%3D
Alexis Gérôme
· Staff UX researcher
· il y a 3 mois
L'UX Collective vient de publier la 9ème édition de leur rapport The State of UX qui résume les principaux sujets publiés en 2023 et ouvrant des perspectives pour l'année à venir. Ils ont relevés 5 grands thèmes : L'Automatisation : Les progrès ultra-rapides de l'IA (générative principalement) ont un impact non négligeable sur le marché du design et il est maintenant possible de mieux en mieux automatiser et accélérer certaines tâches rébarbatives. Si certains y voient un risque pour nos métiers, je pense que c'est surtout l'opportunité de se concentrer sur ce qui est important et qui ne peut pas être automatisé. Et ça tombe bien car c'est aussi ce qui est le plus intéressant à mon avis : la stratégie et la recherche. Et sur ces sujets, l'IA va pouvoir être un précieux allié pour démarrer plus rapidement sur un sujet nouveau en défrichant rapidement le sujet ou en s'occupant des tâches sans valeur ajoutée (la transcription d'interviews notamment). La Saturation : 2023 a été particulièrement mouvementée au niveau RH avec des licenciements massifs un peu partout (IDEO notamment mais aussi un peu partout dans la Big Tech) et le marché de l'emploi s'est retrouvé un peu saturé avec en parallèle un contexte global assez morose où les entreprises, attendant une crise, ont beaucoup resserré les budgets. La situation pour 2024 semble encore assez incertaine... La Commoditisation : Les outils de design se sont simplifiés, automatisés et démocratisés et n'importe qui peut produire des interfaces facilement de nos jours. Avec des Design Systems de plus en plus nombreux et de plus en plus complets, et des guidelines de composants de plus en plus nombreuses, on a même assez facilement une ergonomie correcte. Là encore, je pense que c'est l'opportunité de se concentrer sur l'important : les parcours, l'accessibilité et l'inclusion, l'ergonomie fine, etc. La Financiarisation : J'en ai toujours été convaincu, un bon designer ne doit pas se contenter de porter la voix des utilisateurs. Avec le développement de la "vision produit", il est plus que jamais nécessaire d'avoir une vision plus globale des choses pour mieux travailler avec les autres acteurs du produit (PM, PMM et Engineering / Tech Lead). Et c'est aussi par une bonne compréhension des enjeux business que les designers pourront démontrer l'intérêt de leur travail en rapprochant les besoins des utilisateurs avec des considérations business (ça permet aussi de faire la différence face au point 2). Attention cependant à ne pas sombrer du côté obscur et perdre la vision utilisateurs au profit du business en utilisant des dark patterns dans tous les sens. La Désintégration : Les dark patterns justement se retrouvent malheureusement un peu partout de nos jours. Par exemple, rares sont les bannières RGPD non trompeuses et ce qui devait être positif pour les utilisateurs (une réglementation permettant plus de transparence et de respect de la vie privée) a totalement pourri l'expérience Web. L'avènement de nouveaux produits et services intrusifs et/ou gourmands en données personnelles (VR/AR/MR et IA notamment) apporte des challenges qu'il va être crucial d'adresser côté design pour éviter de nouvelles dérives. Encore des opportunités intéressantes pour nous mais qu'il faudra pousser et savoir bien argumenter (cf. point 4) pour que ça ne passe pas à la trappe au profit du profit justement et au détriment des utilisateurs et de la société en général. Gros enjeux donc... Bref il y a, je pense, de bien belles perspectives pour le design (au sens large) en 2024 et au delà mais aussi des risques importants si on rate le coche. A nous donc de tirer notre épingle du jeu et surtout d'essayer de tirer notre métier vers le haut.
(lire la suite)
Thierry Raguin
· Design Strategist / ResearchOps / DesignOps / UXR / UXD
· il y a 11 mois
La crise sanitaire que nous avons traversée a bouleversé les usages et les codes, faisant naître de nouvelles pratiques ou attentes de la part des consommateurs. Les nouvelles technologies ont elles aussi accéléré les tendances : ce qui était hier une innovation devient vite une norme. Prenons l’exemple du QR code : la pandémie en a fait un phénomène mondial alors que son adoption était jusqu’alors très limitée. Autre exemple, le paiement sans contact, rapidement devenu une norme face aux nouvelles attentes qui ont émergé dans le contexte de la pandémie. En parallèle, la majorité des entreprises considèrent que l’expérience est un facteur de différenciation. Toutefois, comment créer de la préférence sur un marché qui s’intensifie de plus en plus ? Les enjeux liés à l’expérience sont cruciaux pour toute entreprise qui souhaite s’inscrire dans la durée Le client aujourd’hui est plus exigeant et volatile. Il est aussi plus renseigné et cherche dans sa relation aux marques de nouveaux éléments de valeur : l’instantanéité, la disponibilité, l’engagement social, environnemental, sociétal. Les clients ne jugent plus une marque sur le rapport qualité-prix mais sur l’expérience qu’ils vivent. Face à cela, les marques ont besoin constamment de s’adapter, parfois même de se réinventer, pour continuer à générer de la valeur. Elles sont par ailleurs de plus en plus acculées par des cadres réglementaires forts, qui les contraignent à des mises en application strictes, sans possibilité de différenciation notable. Mais alors, comment émerger lorsque toutes les marques s’approprient les mêmes usages et besoins ? Une marque qui copie tout ce que font les autres acteurs est amenée à mourir, par manque d’affirmation de soi et de singularité. La volonté de se démarquer de la concurrence ne doit toutefois pas pour autant amener à proposer des services trop éloignés de son offre initiale ou de ses valeurs. Il s’agit donc non seulement de transformer ces obligations en avantages concurrentiels, mais aussi d’aller identifier les critères d’unicité qui permettront d’apporter de la valeur business et de la valeur utilisateur. Créer une expérience client enrichie et différenciante Chez Devoteam Digital impulse, nous avons créé la matrice de singularité expérientielle. Elle a une double origine : 1- Le besoin de disposer d’un canevas simple permettant de challenger certains clients convaincus d’occuper une position très différente et innovante sur le marché alors que ce n’était pas toujours le cas. 2- La lecture d’un grand classique de la sociologie, “The Iron-Cage Revisited : Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Field” publié en 1983 par DiMaggio et Powell dont l’approche nous a semblé utilement transposable à l’expérience client. Sans aucune vulgarisation, Dimaggio et Powell abordent le concept d’isomorphisme comme étant “le processus qui conduit l’unité d’une population à ressembler aux unités affrontant les mêmes conditions environnementales.” DiMaggio et Powell identifient trois formes d’Isomorphisme : le coercitif, le mimétisme et le normatif. Dans la construction de son expérience client, une marque doit, en complément de l’excellence qu’elle doit assurer dans ses contrats de base, chercher des marqueurs de différence cohérents avec ses valeurs, ses offres, son positionnement. Sortir de cette logique d’Isomorphisme en quelque sorte. Nous avons donc ajouté un quatrième axe dit d’unicité dans le but d'identifier ou de faire émerger ces marqueurs de différence. C’est certainement une aberration du point de vue de l’approche universitaire initiale, mais très utile au quotidien dans les réflexions que nous menons avec et pour nos clients. Notre matrice de singularité expérientielle présente donc les évolutions de positionnement de l’expérience client au regard de la transformation naturelle des usages : Le 1er axe du cadran, coercitif. Il positionne les services que la marque est obligée de déployer car imposés par des facteurs externes ou internes à l’organisation - changement légal, technique, organisationnel. le 2ème axe, mimétisme. Comme le leader a déployé ce service, vous devez le déployer, avec ou sans conviction. C’est une question de survie, donc vous le faites, au risque de voir vos clients s’échapper vers la concurrence. le 3ème axe, normatif. Tous les acteurs du marché ont désormais adopté les nouveaux services, celui-ci est maintenu devenu une norme, un standard culturel. le 4ème axe, unicité. Vous êtes le seul à proposer ce service, vous êtes légitime, et apportez des éléments différenciants et singuliers. Comment utiliser la matrice de positionnement de l’expérience client ? Attention, ce canevas n’est pas un outil à utiliser dans une démarche d’innovation. Son objectif n’est pas de tirer parti d’une contrainte pour en faire une opportunité, mais au contraire de : challenger vos équipes sur vos roadmaps en cours / à venir : vous réaliserez peut-être qu’un grand nombre de vos sujets n’est pas si unique que cela ! vous aider à vous positionner par rapport aux pratiques concurrentes et vous amener à vous interroger sur votre propre positionnement actuel et visé. identifier les pratiques du marché qui viennent nourrir votre positionnement de marque Simple à utiliser, cette matrice vous évite d’être un mouton de panurge ! Alors que vous pensiez proposer de nouveaux services à vos utilisateurs, l’expérience finalement proposée ne se distingue malheureusement pas des autres acteurs du marché, car tout le monde se copie afin de “rester dans la course”. C’est le moment de vous demander quels sont les éléments différenciants à aller chercher pour continuer à générer de la valeur auprès de votre cible et vous singulariser par rapport à la concurrence, tout en restant aligné avec votre positionnement et vos valeurs de marque. Prenons l’exemple de La Poste. Face à l’explosion des services en ligne voyant arriver de nombreux acteurs plus agressifs (Mondial Relay, Chrono shop2shop…), La Poste s’est demandée comment réagir efficacement. Plus qu’un simple service, La Poste est un symbole social. Il semblait donc tout naturel qu’elle se différencie en apportant de nouvelles expériences uniques, profondément ancrées dans son ADN, incarné par la personne du facteur (services à domicile, services du quotidien, veiller sur ses parents etc.) plutôt que de copier ses concurrents en matière de livraison. Ainsi cette matrice permet d’innover efficacement sur les sujets sur lesquels votre marque doit se concentrer. Sa simplicité lui permet d’être utilisée dans différents contextes : challenger un positionnement actuel, ou travailler sur son évolution avec pour objectif de le rendre singulier et innovant. Conclusion Pour devenir une entreprise experte de l’expérience client, il convient d’adopter une véritable culture de l’expérience à tous les niveaux de l’organisation. Dans cette perspective, les produits développés doivent s’appuyer non seulement sur les méthodes issues du design mais aussi sur la data et sur la prise en compte des futurs utilisateurs à chaque stade de vie du produit.
(lire la suite)
Domitille AULAGNIER-COLLIN
· Directrice Conseil Experience Design
· il y a 1 an
Peter Merholz vient de publier ses réflexions sur les modèles de maturité suite à des discussions qu'il a pu avoir avec des pairs (Hang Xu et Erika Hall). Pour ma part, je suis plutôt en phase : les modèles de maturité UX sont très simplistes (ils ne contiennent pas de métriques claires et précises permettant de passer d'un niveau à un autre) et je considère qu'ils vont être utiles en introduction pour donner une idée d'où en est une entreprise et voir jusqu'où on pourrait l'emmener. Il faut ensuite passer sur d'autres outils pour mettre en place une stratégie et faire évoluer cette maturité progressivement. Et c'est là que le travail de ResearchOps / DesignOps prend tout son intérêt.
(lire la suite)
Thierry Raguin
· Design Strategist / ResearchOps / DesignOps / UXR / UXD
· il y a 1 an
Cela fait un moment que je cherche un framework pour évaluer la confiance des insights afin de prioriser des projets au niveau d'un département. J'ai trouvé ces articles et template qui suivent une approche qui mettent en relief effort x Impact et Confiance. Ce qui est important, c'est que cela n'est pas une activité qui arrive une fois dans le cycle de conception. Mais un ranking qui est revisité au cours du processus avec la découverte de nouvelles informations ! Article 1: priorisationArticle 2: Pourquoi la matrice effort x impact ne fonctionne pasTemplate GG sheet de priorisation
Superbe compilation d'exemples de projets dans le domaine de l'ED tech qui n'ont pas marchés.L'article offre un peu de contexte et une leçon de l'échec. Très bien pour réaliser un tour d'horizons de ce qui à été tenté par le passé et pas réussi. https://hackeducation.com/2019/12/31/what-a-shitshow
Bonjour à tous, connaissez-vous une version française de ce modèle https://www.nngroup.com/articles/ux-maturity-model/ ? Une version française avec des terme sans équivoque faciliterait la communication du modèle.
Une vision en tant que telle, ça ne sert à rien, si elle n’est pas diffusée et appliquée. L’UX est aussi responsable de la formalisation et de la diffusion de ta vision. Un atelier de vision se finit généralement avec les 3 questions suivantes : Est-ce que ta vision cooptée par les managers? Comment va-t-elle être communiquée ? Comment s’assurer que tout le monde va la lire et la mettre en oeuvre? Du coup tout le travail de communication d'accompagnement post vision, il est aussi important que le que le travail de vision lui-même Derrière, il faut aussi produire les assets de cette vision-là. Le plan d'action l'offre les piliers la marque la charte éditoriale la charte graphique du produit Tu produis. Tu ne laisses pas la vision errer comme ça. Tu produis aussi des guidelines qui permettent de vérifier que ta vision est bien appliquée. Par exemple, si tu mets dans les valeurs de ta marque qu’elle est accessible. Tu dois aussi spécifié comment tu la rends accessible et en faire des guidelines. Par ta charte graphique, tu spécifies le contraste visuel que tu es prêt à avoir pour etre visible par le plus grand nombre. Dans ta charte éditioriale, tu peux aussi spécifier que tu ne veux pas de mots tout en majuscules parce que les majuscules sont moins faciles à lire que les minuscules ( les lettres sont moins facilement discriminées). Une fois que tu as précisé tout ça, tu as une checklist que les équipes de conception vont pouvoir appliquer. On va beaucoup charter.. Et je sais qu’il y a un débat sur la créativité et la liberté d’expression créative. Est-ce que ce formalisme ça ne nuit pas à la créativité des gens ? Mais non ! Au contraire, ton espace de créativité est délimité par des droites infinies (tes valeurs), avec une cible au loin qui est ta vision et tu fais ce que tu veux dedans. Non seulement on décide plus sur du "j'aime, j'aime pas", mais sur des critères que tout le monde peut comprendre. Ça change la vie ! En fait, souvent les directeurs créatifs te disent "Merci” car cela peut les sortir d’une errance où ils se croient 100% libres mais au toutes leurs propositions sont critiquées…. Alors que là tu amènes un cadre où on rationalise en fait un processus d'intention. Et le créatif ensuite il fait ce qu'il veut. N’oublions pas qu’une vision reste une vision ! Parfois, tu es challengé sur ta vision et c'est OK.. La vision, c'est un modèle à dix ans, si tu peux la faire changer dans deux ans c'est OK.
(lire la suite)
Manue Marévéry
· Consumer Science Manager
· il y a 1 an
Là où j’ai besoin d’aide et où je serais vraiment curieuse d'échanger et avoir des retours d’expériences et de tips, c’est comment l’UX s’intègre dans les organisations d'entreprises ?
Parce que là, chez mon client, on est en train de développer la research, le product discovery et on se questionne beaucoup sur comment optimiser la chaîne de valeur de la discovery au delivery dans le contexte de cette grande entreprise.
Comment tu vas de la discovery au delivery dans ce contexte ?
Quelles sont les organisations des autres entreprises ?
Comment ils mesurent aussi le résultat et l'impact de leur sujet à chaque étape ?
Comment ils s’organisent entre les timings en research, la vue globale en design d’expérience où on va penser des parcours complet et une chaîne de production découpée en features ?
On ne peut pas se sortir de cette vision de parcours global parce que c'est le propre de l'expérience utilisateur. Mais par contre, on développe en agile par petits bouts.
Je serais vraiment curieuse de savoir comment les autres entreprises équivalentes font pour intégrer le Design dans des organisations plus traditionnelles et anciennes, ayant déjà un socle technique et un historique long de plusieurs dizaines d’années.
(lire la suite)
Carine Charles
· UX designer & researcher
· il y a 1 an
Dans la phase de design, je note de plus en plus souvent une difficulté à évaluer l'importance à donner aux preuves anecdotiques par rapport à des données scientifiques ou à des concepts de design connus (ex : loi de miller, loi de Jakob, etc). Les preuves anecdotiques sont généralement basées sur l'observation ou des témoignages mais ne font pas l'objet d'une analyse scientifique rigoureuse. Jeff Bezos commentait " The thing I have noticed is when the anecdotes and the data disagree, the anecdotes are usually right. There's something wrong with the way you are measuring it". Quel est votre avis à ce sujet ?