J’ai la chance de dire que je suis fier de beaucoup de projets sur lesquels j’ai travaillé, mais je dirais que les deux qui me viennent à l’esprit sont complètement différents l'un à l’autre. Le premier est plus UX. Une refonte d’un éditeur de logiciels en santé qui n’arrêtait pas de perdre des parts de marchés dans ses régions. C’était le 3ᵉ projet de l’agence donc on jouait encore notre peau.En travaillant sur ce projet, j’ai pu apporter une plus-value concrète en allant plus loin que mon rôle à la base. J’ai réussi non seulement à améliorer le produit, mais j’ai fait tester le produit dans les différentes régions de France où il était vendu (et en utilisation). De ce fait ça a donné un coup de boost aux clients existants, car ça a montré qu’il y avait un expert qui travaillait dessus, et que la société prenait au sérieux les problèmes d’utilisations. Résultat, moins de critiques et l’image produit en a été améliorée, à tel point qu'à la fin de l’intervention, ils m’ont gardé un peu plus longtemps pour présenter et expliquer mes choix de designs aux nouvelles régions (régions en phase de déploiement). En somme, ils ont réussi à regagner les régions qu’ils avaient perdues et à en gagner de nouvelles suite à l’intervention. Pour finir tout le monde était content, et ce fut la cerise sur le gâteau de l’intervention. Le deuxième projet était sur le thème de la sécurisation, sur un projet à fort potentiel innovation. On était appelé sur le projet et le client voulait juste faire la couche normative (réaliser les dossiers réglementaires de gestion des risques d’usage sans remettre en cause la conception et l’expérience utilisateur du produit). Le client ne souhaitait pas qu’on touche au projet en soit, car cela faisait 5 ans qu’ils bossaient dessus, et donc ils étaient “selon lui” prêts à lancer. On commence l’intervention et bim ! Rebondissement. Il y a des problèmes avec l’utilisation du dispositif en essai clinique, donc ça a calmé tout le monde et notre intervention s’est totalement transformée.Les autorités décident de suspendre les essais cliniques, et là ça devient notre intervention qui débloque entièrement le projet en réussissant à sécuriser le projet et faisant en sorte qu’il n’y ait plus de problème d’utilisation.Ça parait basique, mais cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Ce fut une intervention périlleuse, car en plus des autorités qui ont audités notre travail, il y avait une grosse pression interne car des patients étaient en attente de pouvoir recevoir ce produit pour améliorer leurs conditions de vie. Dans ce genre de cas, tu ne peux pas aller trop vite sinon des gens peuvent rencontrer des erreurs d’utilisations plus ou moins graves, mais pas non plus trop lentement parce que des gens sont en attente du traitement. Pour finir on a réussi à débloquer la situation, et nous travaillons toujours avec ce client, mais c’est ce qui fait la force de cette intervention et ma fierté.
Dans le domaine de la santé, les tests jouent un rôle primordial dans la validation du dispositif. En effet, avant la validation de quelconque produit médical, on a deux grands types d’évaluations : L’évaluation formative qui permet de savoir quoi faire pour améliorer le produit, et poser des évolutions sur un prototype. L’évaluation statistique: C’est la partie qui repose sur la validation. Étude de l'utilisation du produit vis -à -vis des risques d’usage. C’est cette deuxième partie que les clients ont tendance à être surpris quand on aborde le sujet. Ils pensent savoir ce qu’un test utilisateur comprend alors que ce n'est pas si simple que ça, ils restent bloqués à l’évaluation marketing jusqu’à ce qu’ils viennent observer un test derrière la glace en tant qu’observateur. Ils sont très étonnés qu’on mette les utilisateurs en situation, qu’on ne les aide pas et qu’on ait des critères de notations sur chaque consigne du test. (et les risques au niveau du protocole) Eux dans leur tête pensent qu’on va demander aux utilisateurs: “ Alors, vous en pensez quoi ? “Il faut absolument s’assurer qu’on construit les protocoles et des consignes dans des situations réalistes de test d’une action ou d’une fonctionnalité qui est reliée à un risque et que tu vas pouvoir évaluer ce risque. Au début de l’engagement, même si le client nous ramène une liste préliminaire des risques, nous gardons toujours 2 jours pour une relecture des risques en faisant notre propre analyse, car par expérience, je sais que cette dernière n’est pas complète. L’avantage, c'est qu'après 7 ans d’activité, on a fait tous les types de produits, donc on a une nomenclature de risques assez complète, ça nous permet de voir rapidement s'il manque des risques ou pas. Nous sommes capables d’anticiper les manquements. Car si l’organisme de notation produit ne retrouve pas la liste en question, il dira au client: “ Ce n’est pas normal de ne pas avoir ces risques”Puis mettra une non-conformité aux exigences requises. (donc produit bloqué) Souvent le client traine les pieds pour faire cette relecture critique de l'analyse des risques d'usage ou de la rédaction de cette analyse des risques. Mais souvent après nous remercie après car on met en valeur des choses qu’il n’avait pas mis en avant, ou on le prévient de problèmes, car il a oublié des risques importants à prendre en compte dans la conception ou des choses dans son cycle de vie produit. Tout ce travail en amont nous permet de baser notre protocole de test sur les risques, en définissant les scénarios que nous allons évaluer, et les autres que nous n’évaluons pas. (tout est justifié)
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Anonyme
· Co-fondateur d'agence d'ergonomie
· il y a 1 an
Quand on intervient sur un produit de santé, il ne faut pas oublier que c’est un dispositif médical, ou un médicament etc. Mais l'importance, c'est de savoir qu'il y a souvent une réglementation associée.J’ai vu plusieurs cas où les prestataires arrivent et oublient complètement l’objectif du produit. Ils se concentrent sur l’aspect créatif du job, ce qui est tout à fait normal, mais dans le domaine médical, la créativité vient en second lieu, après la question de gestion des risques.En priorisant la créativité ça devient un travail de surface, et la norme n’existe pas pour rien.Si ton interface est trop complexe ou pas optimale, les problèmes d’usages vont entraîner une perte de bénéfice du traitement ou des problèmes bien plus grave. Donc c’est embêtant, surtout lorsque tu imagines des cas comme la chimiothérapie. (dont les irradiés d’épinal) C’est l’erreur majeure que je vois en repassant derrière des prestataires qui ne sont pas dédiés à la santé. Ce sont des situations compliquées à deux niveaux : Au niveau du produit, toute une partie a été oubliée et rend l’utilisation du produit dangereuse et pas finalement pas si user friendly car non adapté aux différentes catégories d’utilisateurs finaux (connaissance du monde de la santé). Puis pour le client, normativement ce n'est pas terrible. Même si le boulot a été fait d’un point de vue expérience utilisateur, le lien avec les risques d’usage n’a pas du tout été tracé, et pas fait selon les règles des auditeurs. Alors ça induit un risque business fort, car les auditeurs ne transigent pas. C’est du travail en plus pour le client qui se fera bloquer, et ils devront refaire des choses. Dans ce genre de cas le client arrive en disant: “Si on a fait appel à vous ce n’est pas pour tout refaire derrière”.La norme, ce sont des obligations légales (une dizaine, qu’il faut connaître) qui faut retrouver, puis des recommandations. En fait, il faut rendre un dossier technique concernant la maitrise des risques reliée au dispositif. Pour l'ergonomie et l'expérience utilisateur, c'est les risques d'usage mais il existe beaucoup de catégories de risques. Il faut les identifier et les évaluer lors de la conception du dispositif et continuer une fois sur le marché. Ce sont des exigences fortes pour lesquelles le fabricants est audité par des organismes notifiés et il risque le retrait de son dispositif du marché. Les tests utilisateurs en santé: ce sont des tests utilisateurs bien différents. Ce ne sont pas des tests utilisateurs où tu remontent ce qui marchent ou ne marche pas, mais des tests statistiques. Tu as les tests formatifs au cours de la conception qui ressemblent à des tests utilisateurs classiques où l'on va identifier les irritants, les problèmes d'ergonomie, la satisfaction etc. et proposer des recommandations d'évolution. Par contre, ce qui est nouveau dans le monde de la santé c'est l'étape de validation (évaluation sommative) qui est également sous forme de test utilisateur. La différence c'est que les consignes de test permettent de mettre en situation le participants pour qu'il rencontre le risque (ou pas) de manière simulé. Dans ce cas, on rend des résultats centrés risque sans recommandation. On dit juste que pour tel ou tel risque, on à 80%,90%,100% de réussite. C'est à dire autant de personne qui n'ont pas commis l'erreur et rencontré le risque. Tu mets les utilisateurs en situations de risques, et tu observes les situations d’échecs à différents niveaux. En fonction de ces échecs, tu fais des statistiques d’usages, tu expliques le comportement et tu conclus sur l’utilisation de ton produit vis-à-vis des risques d’usages que tu as identifié dans le cadrage.
En début de carrière et pendant mon doctorat, je travaillais au CICIT, où je participais à la certification européenne de dispositifs médicaux (DM), cad que les fabricants de produits de santé devaient nous présenter un dossier et un produit en prouvant qu’ils avaient bien suivi le processus de conception réglementaire de la norme ISO 9241-210. On testait également le produit / le service à travers une série de tests ; on parle d’évaluations formatives, puis sommatives. Je me rappelle un projet en particulier où un industriel nous avait contacté pour le dossier de certification CE d’un stylo auto-injecteur. Concrètement, ce type de DM permet à une personne d’être autonome dans l’injection d’une substance (e.g. les personnes diabétiques, allergiques, etc.) ; dans ce cas, on testait un stylo avec de l’adrénaline pour la prise en charge de personnes allergiques (aux piqûres d’abeille par exemple), et éviter qu’ils fassent choc anaphylactique. L’objectif du stylo est que la personne souffrante ou une personne tierce puisse injecter la solution dès qu’elle ressent les effets de l’allergie, et ainsi éviter des séquelles dangereuses voire la mort. D’après l’industriel, le stylo est supposé être si simple à utiliser que toute personne puisse réagir si le patient n’est plus capable de s’auto-injecter. Pour autant, on ne peut pas s’arrêter à ce que nous disent et pensent savoir les industriels de leurs propres produits, on devait tester le produit quoi qu’il en soi. Nous avons décidé de partir s ur un cas proche de la réalité en embauchant une actrice qui devait faire semblant d’avoir un choc anaphylactique dans une salle d’attente après une allergie alimentaire, sans que les personnes du test ne soient au courant.Le stylo était devant eux et en s’effondrant au sol, l’actrice montrait son stylo et demandait aux gens de l’aide pour qu'ils le lui injectent. Cette situation nous a permis d’observer des réactions réelles et fiables, et des résultats franchement intéressants (et alarmants pour l’industriel) : la plupart des testeurs mettait plus de trois minutes à déballer le produit, lire la notice et injecter le produit. Sachant que la piqûre doit être faite en moins d’une minute après la réaction, on en était loin…. On a aussi remarqué qu’un tiers des participants se trompaient de sens en tenant le stylo, et s ’injectaient(il n’y avait pas d’aiguille pour le test !) le produit dans le pouce, ce qui est extrêmement dangereux car ça peut créer une crise cardiaque ou une gangrène du doigt. On aurait eu potentiellement deux morts pour un tiers des tests ! Au final, ce produit “révolutionnaire” (selon le fabricant) aurait créé plus de mal que de bien. Heureusement que cette procédure de marquage CE existe ! Je tiens à préciser que naturellement il n’y avait pas réellement de produit, ni d’aiguille, mais ceci ne faussait pas nos observations. Toutes ces observations et interprétations issues de ces tests nous ont permis d’améliorer la conception du produit final et de confronter la réalité à la perception client qui pensait que son produit était révolutionnaire. Lors de test d’un produit pareil, une panoplie de choix s’offre à nous, on s’est vraiment posé pleins de questions pas faciles à répondre au premier abord : S’il fallait simuler le choc ? Le faire en labo vs pas en labo D’utiliser un mannequin versus une vraie personne (ça a un coût) Faut il prévenir les testeurs ou non ? (certains étaient un peu secoués après le test) Pour information, on l’a testé sur 8 personnes qui est la norme recommandée.
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