Une erreur de débutant que j'ai commise tôt dans ma carrière.
À cette époque, j'étais encore relativement novice, avec moins de deux ans d'expérience, et par mon manque de séniorité, je ne suis pas allé secouer le contexte dans lequel je me suis retrouvé.
À l'époque, je travaillais chez EDF, alors que le marché de l'énergie s'apprêtait à s'ouvrir à la concurrence.
Notre mission était de créer des interfaces pour les auditeurs énergétiques, équipés de leurs ordinateurs portables, prêts à rencontrer nos clients industriels.
Leur rôle ? Simuler la consommation énergétique de l'entreprise, en prenant en compte chaque détail, des compresseurs aux tapis roulants, du chauffage aux réfrigérateurs.
En collectant ces données, nous pouvions proposer des solutions pour réduire les coûts, tandis que nos concurrents se contentaient d'offres standardisées, incapables de personnaliser leurs propositions.
Nous nous sommes lancés, une équipe hétéroclite de designers et d'experts en énergie. Nous avons conçu des formulaires, imaginé des interfaces, puis nous sommes passés au stade des essais.
Cependant, notre première erreur fut de ne pas placer l'utilisateur au centre de notre réflexion.
Nos experts en énergie, aussi compétents soient-ils, ont façonné un plan qui semblait parfait sur le papier, sans jamais consulter les auditeurs qui devaient utiliser notre solution sur le terrain.
Et...nous n’avons pas testé nos interfaces pour nous assurer de leur validité dans le contexte de l’audit.
Notre passion pour le projet a pris le dessus, nous n'avons pas cherché les retours des clients sur leurs besoins spécifiques en matière de simulation.
Nous avons créé une interface esthétiquement séduisante, des icônes élégantes, des fonctionnalités de drag & drop, même des icônes custom élaborées avec soin lors de week-ends entiers.
Mais nous avons omis de nous poser les questions essentielles :
- Le drag&drop est-il vraiment pratique ou utiliser le clavier aurait été plus simple ?
- La hiérarchie visuelle est-elle adaptée au modèle mental des utilisateurs ?
Aujourd'hui, je travaille dans le secteur du e-commerce de la mode.
Se mettre dans la peau d'un acheteur en ligne est plus simple comparé à comprendre les défis d'un auditeur énergétique. Pourtant, cette erreur persiste : négliger l'utilisateur et présumer que nous détenons toutes les réponses.
Comment j'éviterai de reproduire cette erreur
Avec le recul, j'aurais dû m'asseoir avec ces auditeurs énergétiques, ces pionniers qui redéfinissent leur profession.
Comprendre leur point de vue aurait été inestimable :
- Comment percevaient-ils leurs visites clients ?
- Quels étaient leurs besoins réels sur le terrain ?
À cette époque, il n'y avait pas de modèle établi. Néanmoins, un simple ordinateur portable ne suffisait peut-être pas.
Peut-être avaient-ils besoin d'autres outils ou de notes à portée de main ? J'aurais cherché à sonder ces experts pour extraire des informations vitales.
En outre, j'aurais exploré le côté client. Trouver des entreprises intéressées par notre service aurait pu offrir une perspective précieuse.
Les clients pouvaient avoir une vision différente de ce que les auditeurs souhaitaient réellement.
- Peut-être préféraient-ils une version simplifiée ?
- Ou au contraire, une version plus détaillée ?
- Peut-être étaient-ils plus intéressés par les rapports que par la visite en elle-même ?
L'objectif aurait été de dialoguer avec les deux parties pour concevoir une expérience répondant aux besoins de tous.
De nombreuses entreprises qui n'ont pas les designers comme utilisateurs adoptent cette approche. Prenons Doctolib, par exemple. Ils encouragent leurs employés à consulter régulièrement des professionnels de la santé et à partager leurs expériences pour améliorer leurs services.
C'est, selon moi, la clé : rechercher activement des informations, se glisser dans la peau de l'utilisateur pour concevoir des solutions qui répondent véritablement à leurs besoins.
Une autre dimension de cette erreur est la tentation de complexifier les choses.
Nous avons tendance à pousser les limites de la complexité pour créer des solutions plus attrayantes, plus élégantes, supposant qu'elles fonctionneront mieux, sans garantie.
C'est une erreur que je répète fréquemment, mais c'est aussi une erreur que je m'efforce de commettre sciemment.
Je sais que je tends à suivre les modèles établis avec mes équipes, mais chaque fois qu'une situation nouvelle ou inhabituelle se présente, je m'interroge sur une approche différente, une solution alternative.
Dans mes débuts en tant que designer, dans le tumulte des années 2000, j'ai eu la chance de travailler sur des projets innovants, où nous créions à l’époque de nouveaux patterns.
Aujourd'hui, créer une application repose souvent sur des briques existantes. Pourtant, je continue de me demander : n'y a-t-il pas une voie non tracée ?
C'est un exercice risqué, source d'erreurs potentielles, car il peut nous conduire à ajouter des options complexes, exotiques, exigeant temps et réflexion, sans garantie de succès.
Pourtant, je m'autorise souvent à prendre des patterns apparemment inapplicables et à les adapter à notre contexte.
Parfois, cela fonctionne de manière surprenante, ajoutant une touche d'originalité à l'ensemble.
Mais nous les testons systématiquement et ces solutions moins conventionnelles se distinguent parfois lors des tests, surpassant les schémas plus classiques.